Djom'é bazar

Publié le par Silouane

Quand on monte la rampe d’accès d’un parking de trois étages un vendredi près du carrefour Istanbul, il y a d’abord un vendeur de chaussettes qui crie « Trois paires, 2000 tomans », puis un garçon de 8 ans qui joue de l’accordéon en s’époumonant et sa petite sœur, une boite en carton à la main, dont la voix résonne dans cet endroit pentu. Quand on continue l’ascension, laissant derrière leur voix, il y a d’autres vendeurs ambulants mêlés au parfum de l’essence et de renfermé. A l’issu de la rampe, c’est l’affluence du « Djom’é Bazar », marché du vendredi.

Sur les deux premiers étages de ce grand parking du centre de Téhéran, les voitures ont laissé la place à des draps étendus sur le sol et recouverts d’objets. Ils forment des allées entre lesquelles une foule se presse à la manière de voitures dans un embouteillage. 

On trouve dans ce lieu :
- Des céramiques anciennes et d’autres céramiques qui imitent des céramiques anciennes.
- Des sculptures de bouddha doré vraisemblablement fabriquées en Chine.
- Un marchand de billes qui les conserve dans des boites en plastique remplies d’eau. Un petit écriteau explique en trois langues « Je conserve les billes dans l’eau pour les protéger de la poussière ».

- Des touristes étrangers et des diplomates intéressés par les tapis.

- Des familles de milieu populaire qui viennent acheter un service à thé qu’un français lambda qualifierait « de mauvais goût ».

- Des serrures vieilles de plus de cinquante ans en métal grossièrement forgé, en forme de scorpion ou de cheval et aux mécanismes intriguants.

- Des vendeurs turkmènes de tuniques turkmènes en soie rouge qui me rappellent un été passé.

- Des livres de Gide en traduction persane et d’autres de Hedayat. Des livres de cuisine, des livres sur l’art italien en anglais ou sur les villes d’Espagne.

- Des jeunes filles branchées, cheveux ras sous le voile, qui semblent intéressées par des lunettes des années 1970 ou par des tissus afghans.

- Une vendeuse d’amples tuniques au style un peu baba-cool. Elle a plus de cinquante ans, des lèvres couvertes d’un beau rouge foncé. Elle a noué son voile noire et ouvragé derrière sa nuque, comme une Tchétchène. Elle a la peau bronzé, l’air digne d’une femme qui aurait survécu à la vie dans les communautés hippies de l’Ardèche dans les années 1970. Elle pourrait être cette vieille femme japonaise vendeuse de robes délurées en dentelle, comme celles des poupées d’après guerre, que j’avais rencontrée avec Hideko à Harajuku. Une cliente, soixante ans et l’allure féministe, essaie un vêtement pliée en deux et en perd son voile.

- Un marchand de vêtements écrus en fibre naturelle. Des hommes accompagnés de leur femme en tchador viennent acheter des chemises col mao à la mode en République Islamique, et de jeunes filles passent par dessus leur manto des tuniques à la coupe originale.

- Des propriétaires de tapis reprisés qui essaient de vendre à des étrangers leurs produits à haut prix. D’autres qui vendent des tapis étrangement peu chers.


Et aussi : des tourne-disques et des disques, des articles de pêche, des bouquets de fausse fleurs, des bijoux turkmènes, des anneaux et des pierres précieuses, un sapin de Noël en plastique, des photos du Chah, des billets de banque, un portrait de Kennedy, des horloges allemandes, des bagues en fil de fer, des céramiques peintes de ménora et d’étoile de David, et quelques originaux.

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article