Les étonnements d'un étranger

Publié le par Silouane

Un étranger qui arrive à Téhéran (moi par exemple) s’étonne en général de deux choses. Elles deviennent vite l’un de ses principaux sujets de conversation avec les Téhéranais et les autres étrangers. Il s’agit de la circulation automobile et de la chirurgie esthétique.

 

Téhéran est comme un plaque de béton qui aurait un comportement de tache d’huile : elle s’étend sur tout son pourtour rocailleux, à peine contenue au Nord par les monts de l’Alborz, et elle engloutit lentement les villes voisines. L’avenue Vali Asr qui la coupe du Nord au Sud fait plus de 20 kilomètres paraît-il. De ce déploiement mal contrôlé, les transports pâtissent. Dans les années 1980 ont été construites des autoroutes qui sillonent la ville de toutes parts ; elles délimitent des ilôts et on les traverse au moyen de passerelles, parfois équipées d’escaliers automatiques. Elles constituent des remparts bruyants et pollués. Ces autoroutes n’ont pas été suffisantes pour fluidifier les déplacements des 14 millions d’habitants qui peuplent Téhéran et son agglomération. Pour aller du Nord de Téhéran au centre en heure de pointe, trajet que j’effectue trois fois par semaine, il faut passer entre une heure et deux heures dans le bus. Heureusement, il s’y trouve souvent des Téhéranais curieux de la présence d’un étranger dans les embouteillages et l’immobilisation devient exercice de conversation.

 

Une fois qu’il s’est suffisament lamenté du temps perdu dans les embouteillages, l’étranger s’étonne du petit pansement blanc qui orne le nez des filles et de certains garçons. Il est la trace d’une opération de chirurgie esthétique récente. Ce pansement est, dit-on, signe de modernité et de richesse et il serait chez certain(e)s une simple parure. Les opérations du nez se seraient développées massivement il y a une dizaine d’années et le nombre de personnes au pansement blanc serait aujourd’hui faible en comparaison de ce qu’il était il y a quelques années. On dit que les nez authentiques auraient presque disparu du Nord de Téhéran (les quartiers les plus riches) tant l’opération a eu du succés. La chirurgie esthétique ne s’arrête pas là et les autres parties du corps sont également concernées. D’après les éléments préliminaires d’une sociologie de comptoir réalisée avant-hier dans une soirée franco-iranienne, modifier son corps ne serait ici l’objet d’aucun tabou. Ce serait valorisé et on en parlerait volontiers, même à des connaissances assez lointaines et quelque soit la partie du corps considérée. Enfin, le port du tchador et de ce petit pansement blanc n’est pas incompatible.

 

Rassurez vous, il y a encore de nombreux autres objets d’étonnement à Téhéran pour un étranger.

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T
C'est passionnant ! Bravo pour ce remake des Lettres persanes et du Nez de Gogol.
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